Il était une fois une femme nommée Terrania. Terrania n’était pas une simple villageoise, mais une guérisseuse qui avait parcouru un long chemin de sagesse. Ses mains connaissaient les secrets des plantes, son esprit était un phare pour ceux qui se cherchaient. Mais malgré toutes ces années d’apprentissage et de guérison, il y avait quelque chose qu’elle n’arrivait plus à trouver en elle-même : la paix face à la méchanceté et à la bêtise des hommes. Chaque fois qu’elle se retrouvait confrontée aux mensonges, aux manques de délicatesse, aux actes cruels ou aveugles de ceux qui l’entouraient, sa sérénité s’effritait, laissant place à une colère profonde et un abattement écrasant.
Un jour, Terrania décida de monter à la montagne pour cueillir des plantes médicinales, espérant que le chemin et la solitude de la nature l’aideraient à retrouver un peu de clarté. Le sentier était difficile, escarpé et rocailleux, mais elle s’en fichait. Ses pieds se posaient sur la terre dure, un pas après l’autre, alors que son esprit restait encombré de pensées lourdes.
Après de longues heures, Terrania atteignit un plateau où elle s’arrêta pour se reposer un peu. Elle s’assit sur une large pierre plate, ses yeux se perdant dans la profondeur de la vallée en contrebas. Le vent soufflait doucement, les nuages glissaient lentement sur le ciel, et la montagne elle-même semblait vibrer d’une présence ancienne et indéfinissable. Terrania ferma les yeux, cherchant un répit à cette lutte intérieure.
Alors, dans ce silence, une voix douce et grave se fit entendre, semblant émaner de la terre elle-même :
« Terrania, pourquoi portes-tu tant de souffrance en toi ? »
Elle sursauta. Était-ce la montagne qui lui parlait ? Ses paupières se fermèrent à nouveau, laissant couler quelques larmes :
« Parce que les hommes sont cruels », murmura-t-elle.
« Parce qu’ils sont méchants, égoïstes… Parce qu’ils détruisent, ils blessent, et leur ignorance est si grande qu’elle m’épuise. Je ne sais plus comment rester en paix face à tout cela. »
Le vent se fit plus doux, caressant son visage comme une main réconfortante. La montagne lui répondit alors, sa voix emplie de calme et de profondeur.
« Regarde-moi, Terrania. Je suis ici, immobile depuis des milliers d’années. Chaque jour, je fais face au soleil brûlant qui m’assaille de sa chaleur, puis aux pluies diluviennes qui s’abattent sur mes flancs, aux vents qui tentent de me secouer, aux tempêtes qui rugissent dans la nuit. Les hommes viennent, ils me grattent, me creusent, veulent me changer à leur image. Mais, vois-tu, aucune de ces forces extérieures ne me touche véritablement. Je reste là, inébranlable, enracinée profondément dans la terre et connectée au ciel. »
Terrania écouta, ses larmes perlant lentement sur ses joues.
La montagne poursuivit :
« Le soleil peut brûler, la neige peut m’envelopper de son froid glacial, les orages peuvent rugir et les hommes peuvent commettre leurs erreurs. Mais je reste. Immobile. Je ne résiste pas, je ne combats pas, je ne me réjouis ni ne me désole. Je suis simplement là, ouverte à tout ce qui est. Chaque instant vient et passe, et moi, je demeure. »
« Mais je suis humaine », murmura Terrania. « Comment puis-je être aussi inébranlable que toi ? Comment ne pas me laisser atteindre par toute cette laideur ? »
Le silence qui suivit semblait infini, puis la montagne lui répondit, sa voix résonnant à travers chaque pierre, chaque brin d’herbe.
« Tu n’as pas besoin d’être inébranlable comme une montagne de roche, Terrania. Mais tu peux, tout comme moi, choisir d’accueillir ce qui est, sans résister, sans lutter inutilement. Les émotions sont comme des nuages dans le ciel : elles viennent, elles changent de forme, elles passent. Mais elles ne sont pas toi. Comme moi, tu peux apprendre à être immobile face aux tempêtes, ancrée dans ta propre essence. Les événements qui t’entourent, la méchanceté des hommes, ce sont des tempêtes de passage. Ils ont le pouvoir de te toucher en surface, mais ils ne peuvent jamais atteindre la profondeur de ce que tu es, à moins que tu ne leur en donnes le pouvoir. »
Terrania sentit quelque chose s’apaiser en elle, une lourdeur quitter son cœur. Elle inspira profondément, absorbant la force tranquille de la montagne.
Puis, elle ouvrit les yeux et contempla la montagne devant elle. Ses flancs étaient marqués de cicatrices laissées par le temps, mais sa présence restait imposante et majestueuse. Elle comprit alors que la paix ne résidait pas dans le contrôle des événements extérieurs ou des actions des autres, mais dans la capacité à rester soi-même, solidement ancrée, quoi qu’il arrive. Comme la montagne, elle pouvait choisir de demeurer présente, enracinée, observant les tempêtes passer sans se laisser emporter.
Elle se leva, ses mains effleurant les herbes autour d’elle. Le vent soufflait toujours, les nuages continuaient de danser dans le ciel. Rien n’avait changé autour d’elle, mais tout avait changé en elle. Elle se sentait enracinée, connectée à la terre sous ses pieds et au ciel au-dessus de sa tête. La montagne lui avait offert un miroir, et Terrania savait maintenant qu’elle pouvait, elle aussi, être solide, calme, inébranlable face aux tempêtes de la vie.
Avec un sourire léger, elle reprit son chemin, ses pas fermes sur le sentier de pierres, portant en elle la force tranquille de la montagne, la paix de celui qui accueille la vie sans se laisser déstabiliser par ses turbulences.